= RANTANPLAN =
Tout le monde connaît Rantanplan, le chien le plus bête du
Far-West...Eh bien
figurez-vous que, voici quelques jours, j'ai découvert que la linguistique avait, elle aussi, son
Rantanplan : Pierre Bénichou.
Alerté par le message d'un ami, je
suis allé écouter, sur le site web de la
station de radio "Europe-1",
l'enregistrement du 26 mai 2009 de l'émission
"On va s'gêner",
animée par Laurent Ruquier, et dans laquelle intervient
l'ancien
journaliste Pierre Bénichou.
Au cours de l'émission, Laurent
Ruquier a amené la discussion sur le thème de la campagne pour
l'élection du Parlement Européen, et plus précisément sur la
candidature de la liste "Europe-Démocratie-Espéranto", en s'étonnant
que l'on puisse encore de nos jours faire
la promotion de la langue
espéranto.
=>
Cliquez ici si vous souhaitez
visionner
le clip E-D-E
Et Pierre
Bénichou de sauter sur cette
excellente occasion de faire, avec autorité,
le brillant étalage de
sa totale méconnaissance du sujet.
Je le cite :
"Il
faut expliquer à nos amis ce que c'est que l'espéranto.
C'est une langue inventée qui prend un peu de chaque
langue
de tous les pays d'Europe et du monde.
( sic ! )
Le drame, c'est que c'était fait pour simplifier la
vie des citoyens
européens, et qu'en fait ça ne fait que la compliquer,
parce
qu'il faut parler un peu d'allemand, un peu
d'anglais, un peu
d'italien, un peu de français, ...".
( sic ! )
Allons, voyons, Monsieur
Bénichou ! Un peu de
sérieux, tout de même !
Un grand journaliste comme vous ! Mais quelle mouche vous a
donc piqué ?
Lorsque Laurent Ruquier plaisante sur tel ou tel sujet, il
est dans son rôle, et
je suis le premier à en rire.
On lui pardonnera même d'avoir affirmé que Zamenhof était allemand :
c'est sans doute sa secrétaire qui
ne sait pas utiliser un moteur de
recherche...
Mais ce qui est très gênant
dans votre cas, Monsieur
Bénichou,
c'est que,
fort de votre
supposée compétence
journalistique,
vous prétendez éclairer les auditeurs en adoptant
un ton sentencieux
pour ... débiter des
âneries monumentales.
S'agissant d'un sujet
aussi peu connu du grand public que la langue
espéranto,
ce que vous faites ainsi n'est pas de l'humour. Ce n'est rien
d'autre que de la désinformation sur un sujet qui
mériterait sans doute un peu plus de réflexion de votre part.
Quiconque ayant pris
dix minutes pour s'informer brièvement sur les principes
grammaticaux
et lexicaux
de la langue
espéranto est en droit de se demander si votre cas
relève de la
simple ignorance, de la mauvaise foi, ou
carrément d'un dysfonctionnement cérébral !
= ALLEMAND, ANGLAIS, ITALIEN, etc. non exigés !
=
Allez ! Un petit exemple pour éclairer tous les gens qui
n'ont jamais eu l'occasion de les prendre, ces dix minutes. En
espéranto, la règle de conjugaison de TOUS les verbes, sans
aucune exception, tient en
une seule phrase :
Au radical du verbe, on ajoute la terminaison
"i"
à l'infinitif,
"as"
au présent, "is"
au passé, "os"
au futur,
"us"
au conditionnel, et "u"
à l'impératif.
La comparaison avec le
Bescherelle pour le français, ou avec les listes de verbes
irréguliers anglais ou allemands, est parfaitement éloquente, même
pour un
Bénichou !
On constate immédiatement qu'il n'est nul besoin de savoir
parler un peu d'allemand, d'anglais, d'italien, ni même de russe ou
de chinois pour comprendre cette règle et l'appliquer !
Et le reste de la grammaire de l'espéranto
est du même
niveau de "difficulté"...
Quant au vocabulaire de l'espéranto, et contrairement à ce
que semble supposer
Monsieur
Bénichou,
il n'est absolument pas un bric à brac hétéroclite issu de
toutes les langues du monde.
Il obéit au contraire à un principe constant et efficace :
les mots qui se rattachent à une idée commune
se construisent sur une racine commune.
Par exemple, les mots
signifiant "parler",
"parole", "oral(e)",
"oralement", "discours", "discourir", "orateur",
"oratrice", "loquace", "taciturne", "parloir",
"speaker", "baragouiner", "lapsus linguae" se
construisent tous en
espéranto
sur la même racine :
"parol-",
à laquelle on adjoint le préfixe ou le suffixe approprié, ainsi que
la voyelle finale qui différencie les noms, les adjectifs,
les verbes, etc.
Grâce à ce mécanisme extrêmement ingénieux, l'effort de mémoire
indispensable à l'apprentissage de n'importe quelle langue étrangère
est considérablement réduit
dans le cas de l'espéranto.
Pensez simplement au cas des animaux, de leurs femelles et de leurs
petits.
C'est souvent un casse-tête, même dans la langue maternelle.
En
espéranto,
les noms de la femelle, du petit, et du mâle reproducteur dérivent
automatiquement de celui de l'espèce.
Ah oui ! J'ai failli oublier de vous
dire qu'en
espéranto,
chaque lettre de l'alphabet a une prononciation unique, toujours la même, quelle que
soit sa place dans le
mot, et quelles que soient les lettres voisines.
Il y a fort à parier que, sur ce point là également, Monsieur
Bénichou
aura du mal à
nous persuader
de la nécessité d'une maîtrise préalable de l'anglais, de l'italien,
ou de l'allemand...
Croyez-moi,
Monsieur
Bénichou,
que ce soit pour un Hongrois,
une Japonaise, ou un
Chinois, l'espéranto
est infiniment
plus
facile à apprendre que l'anglais (ou le
français) !
=
PERSONNE NE L'A JAMAIS PARLé et ne le parlera jamais !
=
Mais nous savons que Monsieur
Bénichou
garde sous le coude un argument qu'il pense imparable : selon lui,
personne n'a jamais parlé l'espéranto, et ne le parlera jamais !
A moins que... Peut-être a-t-il réussi à comprendre le texte (en
anglais) du
blog mentionné ci-dessus...
Mais au fait, Monsieur
Bénichou,
à qui s'adressent donc, par exemple :
- l'émission quotidienne en
espéranto
de Radio Polonia
?
- les pages en
espéranto
du site web de
Radio Chine Internationale
?
Vous ignorez en tout
cas manifestement qu'en 1922 l'espéranto
était déjà enseigné en Allemagne à vingt mille élèves, par 630
enseignants, mais que la même année un certain Adolf Hitler
prononça à Munich un discours qui stigmatisait cette langue !
Toujours la même année, le gouvernement français s'opposa
farouchement à une proposition déposée par onze pays qui
demandaient à la Société des Nations que l'espéranto
soit enseigné dans toutes les écoles du monde.
Le ministre français de l'Instruction Publique alla même
jusqu'à interdire la mise à disposition des locaux scolaires
pour cet enseignement, et il sera d'ailleurs imité en 1935 par le
ministre de l'éducation du IIIe Reich…
Et de nos jours, la pétanque a sa place parmi les options du
baccalauréat français, mais pas l'espéranto,
qui possède pourtant une abondante littérature, originale ou
traduite, et
qui est, à juste titre, admis au baccalauréat hongrois.
Quand on
veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage...
Et quand on veut
"prouver" qu'une langue n'a pas de locuteurs,
on interdit son enseignement !
Ensuite,
il se trouvera bien un
Bénichou de service pour affirmer sans rire :
"L'espéranto ? Bof !
ça n'a
pas pris... " |
Bon. Je ne vais
pas y passer la journée...
Les lecteurs qui souhaitent se renseigner davantage
peuvent
consulter (clic
gauche) ou télécharger
(clic droit)
:
- une brochure (pdf) de 36 pages,
éditée par Espéranto-France,
- un document illustrant
quelques
principes de base de l'espéranto,
- une page illustrant le
coût
économique faramineux du "Tout en anglais",
- une page illustrant
les joies du
multi-linguisme.
Bonne lecture !
Jean Hennebert
Les langues et
moi :
=> J'ai
appris l'anglais au lycée jusqu'en 1961,
et je le pratique toujours avec plaisir
à l'écrit comme à l'oral, mais uniquement avec des
anglophones de naissance.
J'aime également lire des
romans anglo-saxons et suivre les films en V.O.
Contrairement à une idée reçue, dans leur grande
majorité les habitants des pays
non anglophones n'ont de cette langue qu'une
connaissance rudimentaire, voire nulle.
Il suffit d'ailleurs d'écouter la plupart de nos hommes
politiques ou de nos scientifiques,
s'exprimant à la télé dans la langue de Shakespeare,
pour imaginer la franche rigolade
des Anglais ou des Américains qui les écoutent.
=> J'ai fait 4 ans d'allemand au lycée, je le
parle avec un accent non franchouillard,
et je serais capable de survivre en Allemagne, mais pas
de tenir une vraie conversation.
Lire un roman entier en allemand a toujours été
au-dessus de mes forces...
=>
Pendant 6 ans j'ai étudié intensément le latin,
avec une excellente note au baccalauréat.
Mais je suis totalement incapable de le parler ou de
comprendre un texte dans cette langue.
=> Par curiosité, j'ai touché un peu au russe, à
l'italien, à l'espagnol, au néerlandais.
Mais franchement, celui qui n'est pas linguiste et qui
doit travailler pour gagner
sa vie ne peut pas passer tout son temps à ingurgiter
des litanies d'exceptions
grammaticales et de tournures idiomatiques !
Il y a des tas de choses plus utiles à étudier, par
exemple l'électronique...
=> J'ai découvert l'espéranto
en 2002, et j'ai immédiatement compris qu'il
était, à tous points
de vue, infiniment mieux adapté à la communication
entre les peuples que n'importe quelle
langue nationale.
J'ai immédiatement commencé à l'apprendre seul
(essentiellement grâce à l'internet), et la
même année j'ai lu un roman entier traduit en
espéranto.
Un an plus tard, j'ai eu le plaisir de participer à une
rencontre réunissant des gens de quatre
pays différents, et j'ai fortement apprécié le fait que
nous pouvions tous échanger et nous
comprendre sans qu'aucun n'impose aux autres sa propre langue
maternelle.
Quelques mois plus tard, en
mars 2005 au théâtre de Boulogne-sur-Mer, j'ai côtoyé un
peu
plus de cinq cents espérantophones venus de 25 pays des
cinq continents, avec le même
sentiment d'équité et d'efficacité
linguistiques.
Depuis quelques années je ne voyage plus mais, sans
quitter ma région, l'espéranto me
permet de bavarder sur un pied d'égalité avec des gens venus de
Russie, du Japon,
d'Arménie, d'Argentine, des Pays-Bas, de
Pologne, et j'en passe....
J'ai même assisté à une conférence en
espéranto
donnée par un linguiste venu d'Inde,
et qui est professeur d'université à Calcutta.
La lecture de livres en
espéranto
est très enrichissante, car ils proviennent d'un tas de
pays
dont on ignore généralement la culture. Certains sont des oeuvres originales, d'autres sont
des traductions à partir de langues très diverses.
=> Petite précision : contrairement à Monsieur
Bénichou, je ne suis
pas du tout un littéraire :
je n'ai pour seuls diplômes qu'une maîtrise de mathématiques et une licence
d'informatique...
J. H. |
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